On peut difficilement aller au Cambodge sans penser à son histoire récente, à la période pendant laquelle les khmers rouges étaient au pouvoir et à tous les crimes qui ont été commis au nom de la révolution.
A l’occasion de notre passage à Phnom Penh je suis allée visiter le musée de Tuol Sleng. Cet ancien lycée français a été transformé de 1975 à 1979 en prison où près de 20000 personnes, accusées sur n’importe quel motif d’être opposants à la révolution, ont été emprisonnées, torturées et tuées avec femmes et enfants. Depuis 1979, cette prison est devenue un musée nécessaire au devoir de mémoire.
Dès que je suis entrée dans le premier bâtiment, j’ai été saisie par l’émotion. Ce sont des salles de tortures. Dans chaque cellule, il reste un lit métallique, qui était à l´époque branché sur le courant électrique, des chaines et une photo de prisonnier sur ces lits.
Le bâtiment suivant a été transformé en mémorial avec des panneaux sur lesquels sont affichés des milliers de photos de prisonniers. Les khmers rouges avaient pour habitude de faire des portraits de chaque prisonnier à son arrivée dans le camp mais aussi à sa mort. Des hommes, des femmes, des enfants, des familles entières puisque quand une personne était suspectée d’être contre la révolution la famille entière était arrêtée. Difficile de se détacher de ces regards. Certains fiers, d’autres abattus, perdus… des milliers d’yeux qui me poursuivent depuis la visite. Les photos de tortures qui côtoient les portraits sont difficilement soutenables.
Dans le troisième bâtiment les cellules ont été laissées intactes. Des cellules collectives ou des cellules individuelles de 0,8m sur 2m. Très peu de monde pendant la visite. J’étais seule dans la partie de cellules individuelles. Je suis vite sortie. Oppressant. Mal à l’aise, presque l’impression d’entendre les cris.
Enfin dans le dernier bâtiment des témoignages. Témoignage sous forme de dessin d’un des 7 survivants de ce camp sur ce qu’il a vécu et les différentes méthodes de tortures utilisées. Témoignages de famille de victimes.
Plus étonnant, témoignages aussi d’anciens khmers rouges, souvent adolescents à l’époque et qu’on retrouve aujourd’hui en photo dans leurs nouvelles vies à près de 50 ans.
Enfin les photos des leaders khmers rouges et les suivis des procès en cours. Douch le responsable de la prison de Tuol Sleng a été condamné en 2012 à perpétuité. C’est le seul à ce jour à avoir été condamné. D’autres procès sont actuellement en cours.
De 1,7 à 2,2 millions de personnes, soit près du quart de la population, ont été tuées entre 1975 et 1979 sous le régime de Pol Pot.
Je ne rentre pas dans les détails de toute la période qui précède l’arrivée des Khmers rouges et de Pol Pot au pouvoir, la colonisation, les attaques américaines…. Il y a de nombreuses œuvres qui traitent du sujet. Certains ont surement vu le film « la déchirure ». Les livres sont nombreux aussi. Un des plus connus est le livre « le portail » de François Bizot, français qui a travaillé au Cambodge de 1965 à 1975 et qui a été détenu par les khmers rouges.